L’autisme, maladie encore mal repérée par les médecins
Pour les associations, cette méconnaissance empêche souvent une prise en charge précoce.
Le sondage est un choc. Alors qu’un enfant sur 156 en France est atteint d’autisme ou de syndromes apparentés, selon les derniers chiffres de l’Inserm, un sondage OpinionWay révèle que le corps médical pense qu’il y en aurait seulement un sur 15 000. Commandée par Autisme France et Autistes Sans Frontières, l’étude s’est fondée sur un panel de 100 pédiatres et 100 médecins généralistes.
Ce décalage entre la réalité des chiffres et la perception qu’ont les médecins de la prévalence de cette maladie est interpellant. Or comment dépister cette affection, et donc la prendre en charge de manière adaptée, si le corps professionnel lui-même la sous-évalue ? C’est la question que posent un grand nombre d’associations et de familles qui militent en faveur du dépistage précoce de l’autisme. Aujourd’hui, il serait diagnostiqué à l’âge de six ans en moyenne, alors que «les cliniciens disposent d’un ensemble de symptômes précoces qui permettent de repérer le mal dans les dix-huit premiers mois de l’existence», rapporte l’Inserm.
Stéphanie est scandalisée. Maman d’Hugo, 10 ans, atteint de la maladie, elle n’admet pas qu’on l’ait «baladée» pendant des années. «On a diagnostiqué mon fils un peu avant ses six ans, raconte-t-elle. Forcément, quand une consultation de pédiatre ne dure pas plus d’un quart d’heure, que votre enfant ne se roule pas par terre avec les yeux fixes et en bavant, les médecins vous disent que tout va bien, qu’il faut arrêter de s’inquiéter de tout et de rien, et les années s’enchaînent sans que vous trouviez d’oreille médicale pour vous entendre.» Pour Frédéric, papa d’un petit garçon autiste, l’absence de formation dans le cursus des médecins et le peu d’information communiquée sur la maladie s’ajoutent à «une culture psy envahissante et culpabilisante». «La première question qu’on m’a posée après avoir confié mes soupçons à mon pédiatre, c’est : tout va bien dans votre couple ?», se souvient-il, encore décontenancé.
Psychiatre et chef de clinique à l’hôpital Debré où il a une consultation sur l’autisme, le Dr Baudoin Forgeot d’Arc convient que «beaucoup de professionnels de l’enfance ont tendance à mettre ça sur le compte des parents et du rapport psychologique et affectif qu’ils entretiennent avec leur enfant ou leur conjoint». À la décharge du corps médical, cet expert reconnu souligne que «les diagnostics sont parfois très difficiles à poser compte tenu de la nature complexe de ces troubles et de leur évolution dans le temps ». En outre, «si les non-spécialistes méconnaissent la prévalence de la maladie, comme l’indique le sondage, c’est aussi parce que ses chiffres n’ont cessé d’évoluer en 20 ans, passant de 1 cas sur 20 000 à près d’un cas sur 100», précise-t-il.
L’espoir des familles et des associations continue de résider dans le plan autisme 2008-2012 lancé par Roselyne Bachelot et Valérie Létard. «Sincèrement, il est la base d’un développement pour dépasser tous nos retards, conclut confiant le président de Vaincre l’autisme qui, à une semaine de la journée mondiale dédiée à la maladie lance une campagne de sensibilisation.
Le «packing» encore pratiqué
Thomas a 18 ans. Son autisme a été diagnostiqué il y a quatre ans. Pendant deux ans, à l’insu de ses parents, dans un hôpital de Bordeaux, il a subi des séances de «packing», une technique très ancienne réhabilitée dans les années 1970 qui consiste à emmailloter l’enfant dénudé dans des linges glacés et très serrés. «Il nous dit aujourd’hui qu’il a souffert non seulement parce qu’on voulait emprisonner son esprit mais aussi parce qu’il nous pensait complices des médecins », raconte encore sous le choc Catherine, sa maman. Répandue en France, sans toutefois s’appuyer sur des chiffres officiels, la pratique serait utilisée dans quelque 300 hôpitaux de l’Hexagone, selon M’Hammed Sajidi, président de Vaincre l’Autisme – Mouvement Léa pour Samy qui a demandé une enquête parlementaire sur le sujet. Très décriée, cette «méthode barbare, sans validation scientifique et sans évaluation de ses risques ou bénéfices», selon nombre de professionnels et d’associations, n’a pourtant pas justifié d’interdiction dans le dernier avis du Haut Conseil de la santé publique publié en février.
Par Delphine de Mallevo
SOURCES : le Figaro actualités-france