« La surface de réparation » – roman de Alain Gillot
Alain Gillot signe un premier roman mettant en scène un jeune garçon atteint du syndrome d’Asperger découvrant le football grâce à son oncle, entraîneur de football.
L’histoire :
Vincent est un célibataire à la vie monotone et un entraîneur de football d’une équipe d’adolescents. Un jour, sa sœur dont il s’est éloigné, débarque à l’improviste et lui confie la charge de son neveu. Pris au piège, l’éducateur accepte. Léonard est un garçon de 13 ans renfermé, solitaire et lunaire, qui ne jure que par les échecs. Son oncle tente de l’initier au football en l’incorporant à un collectif. Vaste programme car l’ado juge ce sport «trop simpliste». Miracle, le garçon aux bras ballants réalise des actions de génie au poste de gardien de but. Son secret? Concevoir le football comme des attaques aux échecs en visionnant des matches de football et en établissant des statistiques. Mais un passage à l’hôpital après une blessure au crâne révèlera que Léonard souffre du syndrome d’Asperger, une forme légère d’autisme. Cette nouvelle va bouleverser les relations et les vies de cet improbable duo.
Trois questions à l’auteur:
Comment vous est venue l’idée d’écrire ce roman?
Alain Gillot: Le sport a toujours représenté pour moi une recherche de vérité, une alternative au quotidien. J’ai toujours eu le sentiment qu’on pouvait moins mentir et se mentir sur un terrain de sport, que dans la vie sociale en général. Et il y a un moment où cette conviction a rencontré le monde Asperger. Une des choses les plus passionnante avec les Asperger, c’est leur obsession de la vérité, à un point où cela rend leur vie sociale très compliquée. Ils ne savent pas dissimuler, tricher. C’est ce qui m’a poussé à faire se rencontrer les deux mondes.
«On voit bien que les grands joueurs ne font que ça, comprendre ce qu’il faut faire, dans un premier temps, mais être capable d’inventer autre chose, dépasser la situation, la fonction.»
Dans quelle mesure pensez-vous que le football est une affaire de statistiques?
Il y a forcément une dimension statistique dans le jeu. Aujourd’hui, les performances des joueurs sont analysées dans le détail. Comme dans tout sport, d’autant plus collectif, le footballeur doit appliquer des schémas pré-établis, sans quoi il ne dépassera pas le niveau de la cour de l’école, et en même temps, étant donné qu’à un certain niveau tout le monde travaille sur les mêmes schémas tactiques, il a la nécessité de les transgresser. C’est là que ça devient passionnant. Et on voit bien que les grands joueurs ne font que ça, comprendre ce qu’il faut faire, dans un premier temps, mais être capable d’inventer autre chose, dépasser la situation, la fonction. J’ai vraiment écrit le roman pour jouer avec cette dualité que nous vivons, sur le terrain, comme dans la vie sociale. D’un côté pour vivre en société, on doit s’adapter, reproduire des schémas type, de l’autre, si on ne fait QUE s’adapter, on devient un singe savant et on ne sera jamais soi-même.
Le sport constitue-t-il un moyen d’apprivoiser l’autre dans sa différence? Ou au contraire, ne contribue-t-il pas à les accentuer en établissant une hiérarchie?
Au-delà de toute idéalisation, le sport donne une meilleure chance à la «différence», que la société dans son ensemble. Le sport a un énorme avantage sur le fonctionnement social en général: La performance y est le critère principal. Le racisme, les préjugés sociaux, la bêtise tout simplement, existent bien sûr dans les vestiaires, sans parler des tribunes, mais une fois sur le terrain, si le joueur est bon, sa couleur de peau, son look, sa culture, vont passer au second plan. Dans la vie sociale en général, les compétences sont un critère, certes, qui existe, mais qu’il est très souvent dépassé par l’appartenance à une catégorie sociale, des codes culturels et de comportement. Après, bien sûr que le sport hiérarchise. Il ne fait même que ça, mais je ne crois pas que ça nous pose problème. Nous avons même je crois profondément besoin que le plus fort gagne. Ce qui nous pose problème, c’est une hiérarchie qui est injuste.
Un roman porté à l’écran en 2016
Ancien journaliste, Alain Gillot (63 ans) est aujourd’hui scénariste. La surface de réparation devrait avoir une déclinaison sur les écrans en 2016. Les réalisateurs, François Prevost-Leygonie et Stephan Archinard (Les Amitiés sincères avec Gérard Lanvin et Zabou notamment) collaborent actuellement avec l’auteur. «J’ai adoré écrire ce roman, mais rien ne me fait plus plaisir que de le «passer» à mes camarades, de les voir rebondir sur d’autres idées, inventer des solutions narratives que je n’ai pas envisagé, de créer des situations, des personnages. Un roman n’est jamais qu’un point de vue, et quand il est exprimé, pleinement, ce que j’ai la sensation d’avoir fait, c’est génial d’envisager les autres regards, sur la même histoire», explique celui qui planche depuis des années sur un essai qui s’appellera «l’art de la passe.»
La surface de réparation, d’Alain Gillot. Editions Flammarion, 18€. En librairie.
Par Gilles Festor, Publié le 08/06/2015